Examen théologique des écrits publiés de Marcel Van par le Père Marie-Dominique Molinié, dominicain français de la Province de France, spécialiste de Thérèse de l’Enfant-Jésus.
25-05-1995:
Ayant lu attentivement les livres L'Amour ne peut mourir (Vie de Marcel Van), L'Amour me connaît (Ecrits spirituels de Marcel Van), L'enfant de l'aurore (Correspondances de Marcel Van), et sans prétendre anticiper en rien le jugement officiel de l'Eglise à laquelle je soumets filialement et sans réserve mon jugement personnel, j'atteste devant Dieu et devant la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine n'y avoir trouvé absolument rien de contraire à la Foi Catholique ou à la Doctrine de l'Eglise. Et ceci en matière autant de dogme que de morale.
Certes, l'ensemble des textes, dont le style manifeste une simplicité et une spontanéité caractéristique de son coeur d'enfant, font preuve d'une extrême audace dans la ligne de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus dont Van a été le disciple. Mais précisément cette audace même a déjà été canonisée à travers la personne de Thérèse. Et chaque fois qu'elle apparaît avec une force particulière dans les écrits de Van, il suffit de l'interpréter dans la perspective de la voie d'enfance pour qu'elle prenne un sens conforme à la grande tradition de l'Eglise.
Par exemple, quand le Christ est présenté par Van comme affirmant que "Jamais le péché n'offense son amour", la correction vient aussitôt "Il n'y a absolument rien qui n'offense mon amour, si ce n'est le manque de confiance dans mon amour" (L'Amour me connaît, p. 29). Il est clair que le péché offense l'amour de Dieu dans la mesure où il se dérobe à la foi qui justifie, plus précisément à la confiance venant de la charité.
D'autre part, à une époque où beaucoup refusent de croire à l'enfer ou ont tendance à le vider entièrement, les écrits de Van portent le témoignage d'une fidélité imperturbable à la grande tradition de l'Eglise sur ce point, qui engage l'amour infini de Dieu pour la liberté créée.
De même, au sujet du baptême dont la nécessité de salut a toujours été proclamée, la doctrine de Van reste très fidèle sur ce point à celle de l'Eglise. Celle-ci a toujours reconnu l'existence d'un baptême de désir qui ne dispense nullement d'administrer le baptême sacramentel quand c'est possible, ceci en dépit des tendances actuelles. La doctrine de Van s'inscrit dans cette perspective en insérant ce baptême dans le désir de l'Eglise universelle, plus profond, plus vaste et plus efficace, ouvrant ainsi la porte à de grands espoirs au sujet des enfants morts sans baptême, sans dispenser davantage d'administrer le baptême sacramentel.
Là encore, Van trouve le moyen, dans une totale soumission au jugement de son Père spirituel, le Père Antonio Boucher, de concilier le radicalisme de la tradition catholique avec la folie de l'espérance chrétienne et thérésienne, qu'aucune doctrine explicitement définie par le Magistère n'interdit.
Tout au plus, une expression comme Marie "Mère du démon" ( cf L'Amour me connaît, pp. I45-146) peut choquer certains théologiens, mais elle mérite d'être entendue au conditionnel: l'amour maternel de Marie s'étendrait au démon s'il était possible qu'il se convertisse. Ainsi comprise, cette phrase n'a rien de choquant, car "le Père céleste fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes, sur les bons et sur les méchants", il est le Père de toute la création... y compris des damnés qui refusent de reconnaître cette paternité.
De telles mises au point sont toujours faciles à faire dès qu'on lit les écrits de Van dans l'optique de Thérèse de l'Enfant-Jésus. La lecture attentive de ces écrits me permet d'affirmer qu'on y trouve, dans la prolongation du message de Thérèse, un enseignement dont la justesse et la profondeur théologique sont d'autant plus surprenantes chez un jeune dont les études n'ont pas été très poussées. C'est pourquoi je pense que ces textes pourront être une nourriture spirituelle et doctrinale utile à tout le peuple chrétien.
P.Marie-Dominique Molinié, o.p.
08-12-1995:
Editorial du bulletin N°5, pour la Cause de Béatification du Frère Marcel Van, publié par " Les Amis de Van "
Editorial du Bulletin N°5 paru en mars 1996
Selon une distinction grossière qu’il conviendrait de nuancer, il y a deux sortes de petites âmes :
-celles qui ne deviendront pas de grands saints et peuvent rester longtemps imparfaites, mais finiront par mourir d’amour selon le martyre évoqué par Thérèse dans sa consécration ;
-celles au contraire qui deviendront grandes .
Thérèse en est un exemple et Van lui-même, qui fut " un très grand saint, un enfant martyr...et un grand théologien ", selon la parole du Christ : ``Je te loue, Père, d’avoir caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de les avoir révélées aux petits. Oui, je te loue de l’avoir décidé ainsi dans ton bon plaisir .’’
Le premier théologien de l’histoire chrétienne est Jésus Lui-même à 12 ans, bousculant les Docteurs de la Loi . C’est dans le sillage de cette théologie des petits, dont Thérèse est le Docteur pour notre siècle, que j’ai toujours voulu situer ma propre recherche . J’ai trouvé alors chez Van une lumière éblouissante qui m’a rempli de joie, et dans laquelle je me suis engouffré . Il a su poser les " vraies questions ", les plus difficiles et les plus dangereuses, celles que les enfants posent spontanément dans leur candeur implacable .
Ces questions risquent d’entraîner notre intelligence présomptueuse dans un naufrage qui peut aller jusqu’à la folie, s’il ne débouche pas dans l’adoration où le petit enfant envoyé à Saint Augustin, et qui était un Ange, l’a invité à se plonger à propos du mystère de la Sainte Trinité .
Ainsi Van demande-t-il intrépidement à Jésus et à Marie si le démon pourrait se convertir un jour, problème crucial qui balaierait tous les autres si on pouvait lui trouver une réponse confortable . Mais il ne comporte pas de réponse confortable, et je me suis jeté à la suite de Van dans les abîmes où cette méditation nous entraîne, abîmes qui sont la clé des drames enveloppant la condition humaine.
De même, Thérèse était-elle tourmentée à l’extrême par la question du salut des petits enfants morts sans baptême, torturée de les croire exclus du royaume des Cieux selon le catéchisme qu’on lui enseignait, coupés du Coeur du Christ dont elle n’admettait pas qu’Il puisse se désintéresser d’eux . Jésus propose à Van une réponse très audacieuse qui, comme toutes les grandes lumières, soulève plus de questions qu’elle n’en résout - refusant là encore à notre intelligence le confort qu’elle réclame toujours .
Je pourrais multiplier les exemples . Je m’arrête pour faire court, et signaler seulement la présence irremplaçable, merveilleuse, fraternelle, de Van dans ma pauvre vie de théologien . C’est à son école que je veux me mettre, comme à celle de Thérèse, pour la proposer aux sages et aux intelligents...
P. Marie-Dominique Molinié, o.p.